Rupture du ligament croisé antérieur

Épidémiologie


Les ruptures du ligament croisé antérieur (LCA) du genou sont des lésions fréquentes du genou, qualifiées d’entorses « graves ». Elles sont particulièrement fréquentes en traumatologie sportive, principalement dans les sports avec pivot : football, handball, basketball, rugby, ski, etc...
En 2006, 37000 ligamentoplasties (« reconstruction du ligament ») du genou ont été réalisées. Cependant, la décision de reconstruction du LCA doit respecter certains critères.

Physiopathologie - Anatomie

Ligament croisé rompu

Exemple de mécanisme de rupture du LCA

Le genou est l’articulation qui relie le fémur au tibia. Elle articule la jambe avec la cuisse. Son secteur de mobilité principal est la flexion extension, mais elle présente un certain degré de rotation axiale. Les mouvements latéraux sont maintenus
par les ligaments latéraux. Les mouvements dans le sens antéro - postérieur et de les rotations sont contrôlés principalement par les ligaments croisés.

En cas de mouvement anormal : torsion excessive, entorse latérale majeure, hyper extension, les ligaments croisés peuvent être lésés. Pour des raisons anatomiques, le ligament croisé antérieur rompu, même partiellement, ne peut cicatriser en position normale. D’autre part, avant la rupture, ses fibres subissent une distensions qui font perdre au ligament ses qualités mécaniques. Aussi, un ligament croisé antérieur lésé ne contrôlera plus correctement les rotations de la jambe sous le genou. Il ne permettra plus non plus un contrôle correct du « tiroir » antérieur du de la jambe sous le genou, sous l’effet de la contraction du tendon rotulien.

À l’examen clinique, on met en évidence
des mouvements excessifs vers l’avant, du tibia par rapport au fémur

Rupture du ligament croisé à l’IRM

Conséquences :
À court terme : passée la phase aigüe du traumatisme, et au décours de la rééducation habituellement nécessaire, il est possible que le genou redevienne stable, c’est à dire que le patient ne se plaint d’aucun dérobement du genou, ni de sensations d’instabilité (le patient a perdu « confiance » en son genou). Il peut rester douloureux, et dans ce cas, il est nécessaire de rechercher des lésions associées, en effet une rupture isolée du LCA est souvent très bien tolérée à distance de la rupture. Enfin, le patient peut conserver une instabilité, avec des dérobements réguliers du genou, soit au cours des activités sportives, soit dans la vie quotidienne, lors de la marche normale.

À moyen et long terme :les éventuels accidents d’instabilité successifs, mais également les glissements antéro postérieurs du tibia sous le fémur, imperceptibles par le patients, peuvent entraîner une dégradation progressive des structures intra articulaires du genou : ménisques, cartilage.

À long terme pourra survenir une arthrose de genou, pour laquelle seuls des traitements palliatifs, c’est à dire ne reconstruisant pas l’anatomie initiale du genou, et par conséquent ne redonnant pas une fonction normale, pourront être envisagés.

Toutefois, comme indiqué plus haut, la décision d’un geste chirurgical n’est pas systématique.

Prise en charge thérapeutique

Lorsque la rupture survient, le traitement consiste essentiellement à calmer la douleur et traiter d’éventuelles lésions associées. Un bilan radiographique élimine une fracture. Un examen clinique spécialisé recherche d’éventuelles laxités associées. En cas d’atteinte des ligaments latéraux, une immobilisation stricte est nécessaire pendant 3 à 4 semaines afin de permettre leur cicatrisation et laissant ainsi peu ou pas de laxité résiduelle.

En cas d’atteinte isolée du LCA, ou après le traitement des lésions périphériques, une rééducation spécifique est à mettre en place afin de stabiliser le genou par des mécanismes de contrôle actifs (« muscles »), à défaut de stabilisation passive (plus de ligament croisé). Cette rééducation passe notamment par des exercices de renforcement musculaire spécifiques. Le diagnostic d’une rupture du LCA est clinique, c’est à dire qu’il se fait à l’aide de l’examen fait par le praticien en consultation. La recherche d’une laxité peut être affinée par l’utilisation d’instruments complémentaires permettant de mesurer et de comparer les laxités : KT 1000, KT 2000, GNRB, Rolymeter. Des radiographies mesurant les laxités peuvent être également réalisées (« Télos »). Afin de confirmer par l’imagerie la rupture du LCA, mais surtout afin de rechercher des lésions associées (méniscales, cartilagineuses, autres ligaments), une IRM est généralement prescrites. Au décours de la rééducation, en fonction du bilan d’imagerie, mais surtout en fonction du ressenti du patient vis à vis de son genou, de son âge, des lésions associées et de son éventuelle demande fonctionnelle, une indication chirurgicale sera éventuellement posée.

Indications de la ligamentoplastie de reconstruction du lca chez l’adulte

Recommandations de la HAS

Schématiquement, un sujet jeune et sportif, à fortirori s’il sent son genou instable ou qu’il présente une lésion méniscale, devrait être opéré. À contrario, un sujet non sportif, non instable cliniquement, sédentaire, sans lésions associées, et plus âgé, bénéficiera plutôt d’un traitement fonctionnel. Entre ces deux extrêmes, le choix du traitement se fera au cas par cas.

Traitement chirurgical

L’absence de cicatrisation possible du LCA, et l’élongation de ses fibres rendent le traitement par immobilisation ou par suture directe du ligament inefficaces. Il convient donc de reconstruire le ligament. Actuellement, l’utilisation de greffon synthétique n’est pas recommandée en raison d’un taux d’échec important et de complications spécifiques. Le « gold standard » à l’heure actuelle consiste à réaliser une ligamentoplastie, c’est à dire une reconstruction d’un nouveau ligament. Pour cela, un tendon ou une partie de tendon est prélevé à proximité du genou, sans que cela ne retentisse sur la fonction de celui-ci, afin de fabriquer un nouveau ligament. L’opération consiste à faire passer ce tendon à l’intérieur du genou à l’emplacement précis du ligament natif, et en le fixant au fémur, et au tibia. Les tendons principaux pour cela sont les tendons de la « patte d’oie », le tendon rotulien. Peuvent également être utilisés le tendon quadricipital, et le fascia lata. L’intervention ne peut être envisagée avant que le genou ne soit redevenu mobile, indolore, et que le patient ait retrouvé son volume musculaire.
Aussi, une reconstruction du lca ne se fait quasiment jamais en urgence.

Ligament croisé rompu.
La plastie permet de remplacer le ligament croisé

L’intervention se déroule au bloc opératoire, sous anesthésie générale ou loco régionale. Il peut également être réalisé une anesthésie complémentaire au niveau du nerf de la cuisse afin de limiter les éventuelles douleurs post opératoires.
L’intervention peut se faire à ciel ouvert ou sous arthroscopie. Notre préférence va sans conteste à l’arthroscopie pour des raisons de meilleure précision du geste chirurgical en permettant un meilleur contrôle du positionnement du ligament.
Il s’agit également d’un traitement moins lourd qu’une chirurgie à ciel ouvert, avec moins de douleurs post opératoires. Enfin, l’arthroscopie permet un bilan précis et un traitement adapté d’éventuelles lésions intra articulaires associées. Le tendon du choix du chirurgien est prélevé et préparé pour en faire le nouveau ligament. Ensuite, deux tunnels (un fémoral et un tibial) sont réalisés. Leur point de sortie intra articulaire correspond normalement à l’insertion anatomique du ligament croisé natif. Le transplant est passé au travers des tunnels et du genou, puis est fixé à l’os. Un drain limitant le risque d’hématome post opératoire peut être mis en place.

© OrthoIllustrated

Exemple d’une technique de reconstruction du ligament croisé

Suites post opératoires - convalescence

L’appui est généralement repris le lendemain de l’intervention, sous couvert d’une attelle de genou et de béquilles. Ces dispositifs sont avant tout des sécurités afin de prévenir les risques de chutes qui pourraient mettre en péril la bonne cicatrisation du nouveau ligaments. La mobilisation du genou et le réveil du quadriceps sont également débutés précocement. Le séjour dans l’établissement dure généralement entre 2 et 4 jours, et le retour à domicile est la règle. Dans quelques cas, un séjour en centre de rééducation peut être justifié. L’attelle et les béquilles sont à conserver entre 2 et 4 semaines, en fonction des protocoles, des habitudes, et de la récupération. À 1 mois, le sevrage des béquilles et de l’attelle doit être complet. La rééducation doit s’intensifier. La reprise des activités en ligne (vélo sans résistance, crawl - dos crawlé, course à pied sur terrain stable en ligne droite) sont autorisées vers le troisième mois post opératoire si l’évolution est favorable. La période de rééducation peut durer généralement plusieurs mois après l’intervention. La reprise des activités sportives avec pivot se fera en accord avec votre praticien entre 6 et 12 mois après l’intervention.

Risques - complications

La ligamentoplastie du genou est une intervention de routine, bien codifiée. Elle reste néanmoins une intervention chirurgicale délicate.
Les complications sont rares : hématome, infection, raideur du genou, algodystrophie. Le taux de ces complications a néanmoins bien diminué grâce à l’utilisation des techniques arthroscopiques. Les suites post opératoires peuvent également s’accompagner de douleurs antérieures, rotuliennes. Elles existent dans toutes les techniques, mais sont plus fréquentes en cas de prélèvement de tendon rotulien. Elles sont d’évolution favorable dans l’année qui suit l’intervention. Enfin, un risque de rupture itérative est toujours possible. En effet, le ligament reconstruit n’est pas plus solide que le ligament natif, et un nouveau traumatisme peut générer une nouvelle rupture.

Information sur l’algodystrophie

Conclusion

La prise en charge chirurgicale d’une rupture du LCA est fréquente. Elle est indiquée principalement chez le sujet jeune, ou instable. Il s’agit d’une intervention non urgente à pratiquer sur un genou rééduqué, et non douloureux. À terme, le résultat est identique, quelque soit le tendon utilisé pour faire le nouveau ligament. Il en est de même de la voie d’abord arthroscopique ou à ciel ouvert.